Fabrice Hirsch, Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, Rudolph Sock, Béatrice Vaxelaire
Institut de Phonétique de Strasbourg – EA 1339 Linguistique Langues et Parole- Composante Parole et Cognition – Université Marc Bloch, 22, rue René Descartes, 67084 Strasbourg
fabrice_hirsch@yahoo.fr
Objectifs
L’objectif de ce travail est d’étudier la structure formantique des voyelles produites par des locuteurs bègues en comparant les données obtenues à celles de sujets de contrôle et de personnes bègues ayant suivi une thérapie. L’effet d’une accélération de la vitesse d’élocution sur la structure formantique des voyelles pour les trois groupes de locuteurs sera également observé.
Bref état de la question
Concernant les sujets de contrôle, de nombreuses études (Lindblom, 1963 par exemple) ont observé qu’une augmentation de la vitesse d’élocution peut entraîner une compression des durées et une réduction de l’espace vocalique, c’est-à-dire une certaine centralisation des voyelles dans cet espace. Qu’en est-il pour des sujets bègues, en sachant que la plupart des études ont montré que l’espace vocalique était déjà fortement réduit en vitesse d’élocution normale ? En effet, Blomgren et al. (1998) ont pu faire ce constat en étudiant les valeurs des deux premiers formants dans la partie stable des voyelles. Cependant, d’autres travaux (Prosek et al.,1987) viennent contredire ces résultats.
Hypothèses
Notre travail se fonde sur trois hypothèses. (1) Nous pensons observer un espace vocalique plus réduit chez les locuteurs bègues, en vitesse d’élocution normale. De ce fait, (2) aucune centralisation de cet espace vocalique ne devrait être observée en vitesse rapide. (3) L’espace vocalique supposé plus réduit chez les personnes bègues pourrait s’expliquer par l’utilisation de stratégies coarticulatoires différentes par rapport aux locuteurs de contrôle.
Méthodologie
Nous avons choisi d’analyser les voyelles orales [i, a, u] du français, à partir de données spectrographiques, en vitesse d’élocution normale et rapide. Ces trois voyelles étaient placées dans des syllabes [CV] (C était [p], [t] ou [k]), elles-mêmes insérées dans une phrase porteuse de type « C’est une CVp à Bordeaux ». Afin de réaliser un traitement statistique, chacune des phrases obtenues a été répétée dix fois par 15 locuteurs : 5 sujets de contrôle, 5 locuteurs bègues et 5 sujets bègues ayant suivi une thérapie. Tous ont été enregistrés à l’aide d’un microphone Sennheiser e845 S relié à un portable PC (carte son RealTek AC97) et en utilisant Audacity (Fréquence d’échantillonage : 44100 Hz –16 bits) comme logiciel d’acquisition. La structure formantique des voyelles a été mesurée au centre de ces dernières à l’aide du logiciel Praat. Afin d’obtenir une équation du locus pour chaque fréquence, nous avons également quantifié F2 au début de la voyelle.
Résultats
Notre travail montre que l’espace vocalique est réduit chez les locuteurs bègues par rapport aux deux autres groupes en vitesse normale. L’augmentation de la vitesse d’élocution engendre une réduction de cet espace vocalique pour les locuteurs de contrôle, ainsi que pour les locuteurs ayant suivi une thérapie. En revanche, aucun changement n’a pu être observé pour le triangle vocalique des locuteurs bègues qui reste comparable en vitesses normale et rapide. L’étude des équations du locus n’a pas permis de relever une particularité dans la parole bègue pouvant expliquer ces résultats.